Axes de recherche actuels (anthropologie du sonore, anthropologie visuelle et sensorielle, anthropologie de l’art)

  • L’environnement sonore en contexte de catastrophe environnementale

Cette recherche actuelle concerne deux terrains situés au Brésil liés à des catastrophes environnementales. La « tragédie du Bumba » est un glissement de terrain qui a eu lieu le 7 avril 2010 à Niterói dans l’État de Rio de Janeiro. Il a provoqué la mort de 48 personnes et 267 disparus. Le deuxième terrain concerne la « rupture du barrage de Mariana » qui s’est produite le 5 novembre 2015 dans l’État du Minas Gerais et a entraîné l’écoulement de millions de tonnes de boues issues de l’exploitation du minerai de fer dans le fleuve Rio Doce, causant des débordements et la disparition de villages entiers. J’ai effectué un premier terrain sur le Rio Doce en novembre 2015, dix jours après la catastrophe. Mais c’est au « Bumba » que j’ai principalement conduit mes recherches de 2016 à 2018 (j’ai résidé au Brésil de 2015 à 2018) puis en 2019, celles-ci ayant été interrompues suite à la pandémie de Covid 19.

Lors de ce terrain au « Bumba », j’ai commencé à expérimenter une ethnographie sensorielle axée sur les alertes sonores, visuelles et olfactives qui ont précédé la catastrophe en 2010, qui ont guidé les habitants lors du glissement de terrain et qui continuent aujourd’hui encore de rappeler au quartier qu’une nouvelle « tragédie » est toujours possible. Le glissement de terrain s’est produit suite à l’infiltration de pluies torrentielles pendant plusieurs jours dans le morne bâti sur une ancienne décharge publique désactivée en 1986.

Je cherche également à comprendre les liens entre ces alertes et l’environnement sonore quotidien de ce quartier périphérique où les sons caractérisent un environnement toujours en alerte : présence importante du trafic de drogue et utilisation des armes, vie quotidienne qui se déploie principalement dans l’espace public, communauté marginalisée et caractérisée par un manque de ressources et d’équipements urbains. Dans ce contexte, je m’intéresse aux ruptures comme aux continuités sonores et à la manière dont les habitants choisissent et qualifient les alertes et repères sonores.

Cette recherche s’effectue dans le cadre d’une collaboration avec des chercheurs et artistes des départements d’anthropologie et des arts plastiques de l’Université Fédérale Fluminense (UFF) à Niterói.

Activités et publications liées à cet axe de recherche :

A paraître en 2022 : « La ‘tragédie du morne du Bumba’, Niterói, Brésil. Pour une ‘anthropologie métabolique’ » (titre provisoire), in Artiste-chercheu(se) sur le terrain, Saulnier Sarah-Marianne et Grégoire Anthony (dir.), Montréal.

Ce chapitre revient sur les étapes d’une recherche anthropologique et artistique au « Bumba » à Niterói, dans l’État de Rio de Janeiro, au Brésil. Le 7 avril 2010, un glissement de terrain fait 48 morts et 267 disparus. Cette catastrophe est plus connue sous le nom de « tragédie du morne du Bumba ». Le terrain présenté ici combine recherche anthropologique et artistique afin de mieux appréhender cette tragédie mais également toute la complexité du « Bumba », quartier périphérique, ancienne décharge publique et lieu d’une micro-initiative muséale, le Casa Museu Rancho Verde. Je montre de quelle manière la recherche se déplace d’une collecte des données sur la tragédie vers une saisie sensible des alertes sonores de la catastrophe pour finir par une appréhension du Bumba comme lieu de vie. L’œuvre d’art brut d’un des habitants du quartier, Seu Hernandez, – qui a donné lieu à la création de la Casa Museu Rancho Verde – à partir des déchets de la décharge désactivée -, me permet d’explorer la manière dont les objets, les déchets et les substances cohabitent avec les humains afin d’établir les bases d’une anthropologie métabolique qui s’intéresse aux échanges d’un monde plus-qu’humain. Enfin, je porte mon attention à la vie des récits, qu’ils soient extérieurs ou intérieurs au Bumba et à la manière dont eux-aussi s’insèrent dans le flux d’un monde en constante décomposition et recomposition. 

2021-2022 Séminaire Empreintes Sonores – EHESS – Un vendredi par mois. Séminaire co-organisé par Sandrine Teixido (ATER Université Paris X-Nanterre), Laurent Legrain (Université Toulouse Jean Jaurès), Américo Mariani (Ecole d’architecture de Toulouse), Julien Tardieu (CNRS), Marie Baltazar (Contrat post-doctoral, CNRS), Cynthia Magnen (CNRS)

Ce séminaire interdisciplinaire réunira des acousticiens, architectes, linguistes, sociologues et anthropologues autour des dimensions sonores de la vie sociale. Il s’agira de participer au renouvellement de la réflexion sur l’étude de l’homme en société en choisissant le milieu sonore comme voie d’accès privilégiée. Qu’apprend-on sur nos manières d’entrer en relation, de sentir, percevoir et penser les lieux quand on approche ces fabriques de la vie sociale par ses dimensions sonores ? À partir de recherches empiriques, nous interrogerons les dispositifs à l’œuvre dans la construction des régimes de sensibilité sonore et les manières dont ils contribuent au devenir d’un collectif ou d’une personne. Afin de mettre à l’épreuve la pertinence et la fécondité heuristique de la notion de « milieu sonore », nous prêterons aussi l’oreille aux lieux et aménagements matériels, pris dans leurs dimensions sensibles, en étant attentifs à la manière dont ils transforment notre rapport aux sons et au monde.

https://enseignements.ehess.fr/2021-2022/ue/176

  • Enjeux et biais méthodologiques dans les projets de recherche qui croisent enquêtes ethnographiques et dispositifs artistiques

Cet axe réflexif fait suite à un travail de recherche artistique réalisé depuis 2011 dans le cadre du duo que je forme avec l’artiste suisse Aurélien Gamboni, A tale as a tool. Depuis 2011, nous menons une enquête à partir du récit d’Edgar Allan Poe Une descente dans le maelström (1841). Considérant cette nouvelle comme un puissant outil de pensée, nous réalisons des collectes d’objets, de témoignages et de récits qui s’attachent à celui de Poe, permettant d’interroger les enjeux liés à la perception des changements environnementaux et d’expérimenter les possibilités offertes par les récits et la fiction d’ouvrir de nouveaux espaces pour l’action. Ce projet a donné lieu à des collectes au Brésil, en Norvège et aux États-Unis, ainsi qu’à des installations, expositions, réécritures, performances en France, en Suisse, aux États-Unis et au Brésil. Nous passons actuellement à une phase réflexive qui fait retour sur ce que les dispositifs artistiques font à l’enquête.

Vous trouverez les prémisses de ce retour réflexif dans l’article :

Teixido Sandrine et Aurélien Gamboni. 2021. “A tale as a tool. Enquête sur le maelström et le « devenir-abîme » des mondes », Techniques&culture, n° 75, Abymes, abisses, exo-mondes. https://journals.openedition.org/tc/

Ainsi que sur le site de l’Instituto MESA (article en anglais et en portugais) :

Teixido Sandrine. 2021. “Navigated in a Haunted Landscape: A Tale as a Tool at Morro do Bumba”, in Revista MESA N°6, Vidas Escondidas, http://institutomesa.org/revistamesa/edicoes.

Ce projet a donné lieu à une réécriture écoféministe de la nouvelle d’Edgar Allan Poe :

Teixido Sandrine. 2021. Hellsegga. Paris : Éditions Cambourakis.

  • Enquête comparée sur l’usage de l’enquête dans la formation des artistes visuels et des musiciens

Suite à la pandémie et à l’impossibilité de repartir au Brésil, j’ai eu l’opportunité d’enquêter au sein de l’Institut supérieur des arts de Toulouse (isdaT) qui réunit depuis 2011 dans un même établissement les Beaux-arts de Toulouse avec les Pôles d’enseignement supérieur de danse et de musique. Il n’existe actuellement que deux établissements en France réunissant arts visuels, design et enseignement de la musique : l’isdaT à Toulouse et la Hear à Strasbourg et Mulhouse. J’ai réalisé en collaboration avec l’artiste musicien et vidéaste Romain Quartier une série de courts films sur la formation de ces futurs artistes, musiciens et danseurs en me concentrant plus particulièrement sur l’usage et le discours autour de l’enquête et de la recherche dans les parcours de formation : quelles procédures sont mises en œuvre ? Quels discours accompagnent cet usage de l’enquête ? Quelles références, gestes et protocoles sont mobilisés par les enseignants et les étudiants ? Cette recherche sur la formation des artistes et musiciens axée sur la référence omniprésente à l’enquête par les enseignants et étudiants eux-mêmes est destinée à alimenter la recherche plus large sur les « enjeux et biais méthodologiques dans les projets de recherche qui croisent enquête ethnographique et dispositifs artistiques ».

Axes de recherches issus de ma thèse (anthropologie de la musique, anthropologie des institutions, ethnomusicologie économique)

  • Musiques, politique, pluralité et dispositifs culturels

Doctorat en anthropologie sociale et ethnologie, Université de recherche Paris Sciences et Lettres. « Du festival Africolor à Mulhouse, capitale du monde : musiques, territoire et politique ». Directeur de recherche : Denis Laborde. Thèse soutenue le 26 janvier 2018 devant un jury composé de : Luc Charles-Dominique (Sophia Antipolis), Josiane Stoessel-Ritz (UHA), Emmanuel Pedler (CNRS), Elisabeth Cunin (IRD).

La thèse porte sur les liens entre musiques, politiques publiques et territoires. J’y aborde plus spécifiquement la construction de la catégorie des musiques du monde et l’instrumentalisation de cette catégorie par les politiques publiques en vue de promouvoir le « vivre ensemble ». De manière plus générale, j’interroge les liens entre musique et aménagement urbain : équipements culturels, revalorisation de quartiers culturels désaffectés. Y sont analysées également les questions de circulation des artistes et des migrants, l’histoire des politiques culturelles à destination des immigrés et la question des « quartiers sensibles » en lien avec une identité musicale et sonore. Plus spécifiquement, j’ai réalisé en ce sens une ethnographie sur la ville de Mulhouse en Alsace où j’explore l’identité sonore et les liens entre musique, identité et changements urbains.

La thèse a donné lieu à plusieurs publications dont un ouvrage à paraître aux PUG (Presses Universitaires de Grenoble) sous la direction d’Emmanuel Négrier et Philippe Teillet sous le titre Musiques, territoires, pluralités. Pour cette publication issue de ma thèse mais également de travaux ultérieurs, j’interroge la notion de pluralité en musique et les différentes réponses historiques qui ont pu être proposées. Pour cela, j’analyse les continuités et les ruptures entre les différents dispositifs de savoir et d’action – qu’ils soient scientifiques (ethnomusicologie, sociologie, sciences des médias, cultural studies), politiques, industriels ou culturels – qui ont pu prendre en charge la question de la pluralité en musique.

Teixido Sandrine, 2021, « Faire surgir des mondes. Ethnographie de deux créations musicales à Paris et à Mulhouse », Ethnologie Française, Vol. 50/1, 2021.

À travers l’ethnographie de deux « résidences de création » musicales à Paris et à Mulhouse, cet article interroge la manière dont les acteurs impliqués (musiciens, acteurs culturels, techniciens) mettent en scène et négocient les catégories esthétiques, agencent l’espace pour faire advenir et résoudre des controverses et investissent la « résidence » comme espace de création. L’ethnographie ne s’arrête pas aux discours déployés par les acteurs, mais s’intéresse à la manière dont les gestes musiciens confortent ou contredisent les affirmations, font surgir des mondes, des lieux et des configurations spatiales.

Teixido Sandrine, 2021, « World music : une perspective transatlantique ?”, in Circulations musicales transatlantiques au XXè siècle. Des Beatles au hardcore punk. Sous la dir. De Philippe Poirrier et Lucas Le Texier, Dijon. Éditions universitaires de Dijon, coll. Musiques.

https://eud.u-bourgogne.fr/musicologie/753-circulations-musicales-transatlantiques-au-xxe-siecle-9782364414068.html

A paraître 2022 : « Singing with the Heart »: Sincerity as an Economic Skill in World Music in France?, in Oxford Handbook of economic ethnomusicology, edited by Anna Morcom and Thimothy D. Taylor

Dans ce chapitre, j’examine la notion de « sincérité », ainsi que les expressions « chanter et parler avec le cœur » telles qu’elles sont mobilisées par les artistes ou les acteurs culturels dans le contexte français des musiques du monde où les artistes circulent entre institutions publiques, communautés d’appartenances et industries musicales. Je confronte cette notion à celle d’authenticité souvent utilisé dans le contexte de la diffusion des musiques du monde. Je m’écarte d’une analyse en termes d’instrumentalisation des traditions musicales par le marché de la musique pour développer une analyse plus fine du capitalisme en termes de couches (Morcom) et d’une articulation entre zones capitalistes et péri-capitalistes (Tsing). Je m’intéresse ensuite aux notions de désintéressement et d’agapé (Boltanski) en anthropologie économique et la possibilité de repenser une théorie de l’action qui rend compte d’une diversité des subjectivités et des habilités économiques mobilisées par les musiciens pour résoudre la difficulté de devoir interagir avec différents réseaux et différents régimes de justifications.

  • Musiques et démocratie

Cette recherche issue de ma thèse explore les liens entre territoire et musiques, dans ses dimensions politiques, institutionnelles et symboliques. J’y analyse plusieurs initiatives institutionnelles destinées « à valoriser un territoire » et j’interroge le présupposé qui fait de la musique un outil transformateur. Quelle est l’efficacité de la musique lorsqu’elle est mobilisée à des vues politiques et institutionnelles ? De quelle manière la musique est mobilisée pour repenser les processus démocratiques de participation ? Quelles conceptions sous-tendent cette puissance et cette efficacité musicale supposée ? Mon observation a porté sur deux dispositifs culturels développés par la Fondation de France sur le territoire mulhousien, l’un destiné à « visibiliser » les musiques et les pratiques issues des communautés implantées à Mulhouse, l’autre étant un dispositif de commande d’œuvre proposé aux citoyens mulhousien et impliquant la ville de Mulhouse, l’orchestre symphonique, l’Éducation nationale, le conservatoire de Mulhouse et les Centres sociaux de quartier. Cette recherche dont un premier volet est exposé dans ma thèse s’inscrit dans le cadre de l’anthropologie du politique et des institutions. A ce jour, elle a donné lieu à un colloque, la parution d’un chapitre d’ouvrage et d’un article.

19 avril, 12 et 19 mars 2021 Organisation du colloque Lire le territoire à partir des mondes musicaux. Avec Josiane Stoessel-Ritz, directrice du master ESS. Université de Haute-Alsace. En partenariat avec la Société d’Ethnomusicologie et la Fondation de France.

Peut-on parler de territoire musical ? De quel territoire parle-t-on ? De la ville de Mulhouse, de la communauté d’agglomération, de l’Alsace, du Rhin supérieur ? D’un territoire administratif, d’un territoire « naturel », historique, vécu ? Comment repérer les praticiens de musiciens et les formes d’échanges autour de la musique sur un territoire donné ? Par qui et comment sont réalisés ces repérages ? Peut-on parler de cartographies (musicales) participatives ? Qu’est-ce que ces cartographies rendent visibles ? Quels éléments étaient jusque-là invisibles et par qui ?

2020 – « What Music Worlds do to participation. A cross sectoral perspective », in Cultural policies in Europe : A participatory turn ? Sous la direction de Emmanuel Négrier et Lluís Bonet, éditions Be SpectACTive !

A paraître 2022 – Teixido sandrine, 2021, « Collecter et archiver sur le territoire transfrontalier : les musiques de tradition orale dans l’espace rhénan », in In Situ, Revue des patrimoines, volume dirigé par Jean-Jacques Castéret et Giovanni Giuriati,« Patrimonialiser les musiques de l’oralité : ambitions, pratiques et expérimentations dans les structures de conservation », Ministère de la Culture.